Par Anne-Michèle Lajoie, étudiante stagiaire, Université Carleton

 

Image en vedette ci-dessus: 1. Kiosque des bénévoles: Prise au Sommet des Peuples à Québec avril 2001. C’est un sommet en parallèle avec le Sommet des chefs d’État. C’est la réponse populaire démocratique, internationaliste au processus de mondialisation structuré autour de celui des governments et des patrons. Cette photo démontre l’importance des bénévoles dans la mission d’Alternatives.

L’organisation montréalaise de solidarité internationale « Alternatives » aura 25 ans en novembre 2019 et l’organisation a le souhait de bâtir une mémoire, en faisant ressortir des moments clés de son histoire, en mettant la lumière sur des étapes de son évolution qui ont un intérêt historique au-delà du strict cadre institutionnel. Anne-Michèle Lajoie, étudiante en « Public Affairs and Policy Management » à Carleton, a passé les 13 jours de son « practicum » en histoire à les aider.  Dans ce blog, elle raconte son expérience et réfléchit sur les liens entre les praticiens et les historiens de l’humanitaire.

Durant le semestre d’hiver de ma deuxième année à l’Université Carleton, j’ai eu l’opportunité de m’impliquer dans un projet de recherche hors de l’ordinaire. J’ai pris part à la recherche institutionnelle de l’organisation de solidarité internationale Alternatives, sous la supervision de Dominique Marshall, et de David Dean , professeurs au Département d’histoire.  Grâce aux contacts du Réseau canadien sur l’histoire de l’humanitaire, j’ai pu travailler avec Myriam Cloutier, agente de projet aux communications et à la mobilisation. Cette expérience m’a appris beaucoup sur l’importance de la recherche et du professionnalisme, sur le développement international, et sur ce que cela veut dire d’être une historienne. Dans le cadre de mon stage, je me suis rendue à Montréal à une fréquence quasi-hebdomadaire pour entreprendre des rencontres et entrevues, pour lire des documents de source primaire, et pour travailler aux côtés de l’équipe d’Alternatives.

Marche des femmes. (Circa 1990)

Préparations

Au cours de la phase préparatoire, j’ai assisté à une formation en archivistique avec Lloyd Keane du Centre d’Archives et de Collections de Carleton, qui a expliqué le processus d’archivage, de documentation et de conservation permettant de classifier correctement les données, les fichiers et les objets. Dominique et moi avons ensuite passé en revue les demandes de l’organisation hôte et avons conclu qu’il était préférable de centrer mon travail sur la construction de chronologies thématiques qu’Alternatives pourra ensuite utiliser pour créer des chronologies et des infographies avec l’aide d’un graphiste pour la célébration du 25ème anniversaire d’Alternatives en novembre 2019.  Ces travaux préliminaires m’ont permis d’apprendre et d’appliquer l’habilité d’être flexible et de m’adapter rapidement à un changement de plan. Souvent, en recherche et dans la vie professionnelle, il y a des imprévus et des changements de direction ; il est crucial en tant que bonne historienne de pouvoir s’ajuster à ces changements pour livrer le meilleur produit possible.

Une des premières éditions des Journée d’Alternatives (Pas de date).

Le moment préféré de mon semestre avec Alternatives a été ma visite de 3 jours durant la semaine de lecture universitaire pour travailler avec Myriam et le reste des employées. Durant ces quelques jours, j’ai appris plus que je n’aurais pu l’imaginer sur l’histoire de l’organisation, sa participation à l’international, et le fonctionnement des ONGs au Canada et au Québec.

 

Histoire et travail humanitaire

Pour Alternatives, ce stage était une opportunité de pouvoir compter sur une aide dans la réalisation d’un travail préparatoire en vue des activités organisées pour célébrer le 25e anniversaire de sa fondation. En effet, Alternatives aura 25 ans en novembre 2019 et l’organisation a le souhait de bâtir une mémoire, en faisant ressortir des moments clés de son histoire, en mettant la lumière sur des étapes de son évolution qui ont un intérêt historique au-delà du strict cadre institutionnel. L’enjeu est de rendre dynamique son histoire, rendre pertinent et faire résonner aujourd’hui des événements, des réflexions qui appartiennent à son évolution, notamment en fonction des outils de communication et de mobilisation qui seront développés dans le cadre du 25e. En somme, le défi est de proposer une certaine vision, lecture et interprétation de son histoire. Mais l’organisation n’ayant pas les ressources à l’interne, ni de connaissances approfondies sur les méthodologies appropriées pour une recherche rigoureuse en histoire, le risque est qu’un sens de leur histoire leur échappe, notamment son rôle comme acteur de la solidarité internationale et son inscription dans un contexte plus large, celui de l’histoire de la solidarité internationale telle que réalisée par les organisations non gouvernementales canadiennes. Et donc, le contact de l’organisation avec le milieu académique permet des échanges essentiels, sur les pratiques, les connaissances, et permet une meilleure analyse du sens de son action en bénéficiant des outils de l’histoire en tant que discipline. Les observations issues de ce travail pourront être utilisées et partagées pour une mise en valeur, non seulement des archives mais aussi de l’histoire orale. C’est pourquoi les pratiques historiennes de l’entretien ont vite été préconisées comme aspect central du stage.

Democratico Y sin Pinochet! Manifestation au Chili contre la dictature d’Augusto Pinochet. Des membres d’Alternatives y était ce qui démontre la longue histoire de solidarité internationale de l’ONG (Pas de date).

Histoire orale et numérisation de photographies historiques

Une grande partie de mon travail en tant que stagiaire à Alternatives était de conduire des entretiens avec les personnes clés dans l’histoire de l’organisation. N’ayant jamais mené d’entrevues auparavant, je dois avouer que l’idée même me rendait nerveuse. Cela dit, il était très rassurant de savoir que Myriam et Dominique avaient suffisamment confiance en mes capacités pour me confier une tâche aussi importante. J’étais particulièrement inquiète parce que les entretiens se dérouleraient principalement en français et, bien que ce soit ma langue maternelle, ce n’est pas la langue que j’utilise régulièrement dans le contexte académique. Avant d’entamer les entrevues, Myriam et moi avons formulé une ébauche de questions à poser pour les entrevues qui se tiendraient dans les prochaines semaines. Le but de cette liste était qu’elle puisse structurer nos sessions pour en retirer les plus importantes informations. Il a aussi fallu faire signer par nos interviewés un formulaire de consentement selon les règles éthiques de l’Université Carleton avant de procéder à chaque entrevue pour les aviser de leurs droits et de comment leur information allait être utilisée.  Au total, j’ai conduit, avec l’aide de Myriam, sept entrevues.

En termes d’habilités techniques, durant mon stage, j’ai appris comment trier le matériel pour en tirer la plus grande valeur historique possible. Par exemple, une de mes tâches à Alternatives était la numérisation de photos. Je me suis vite rendu compte que ce processus serait long et probablement irréalisable en une seule journée puisqu’il y avait un grand volume d’images. J’ai aussi réalisé que toutes les images n’étaient pas nécessairement pertinentes à l’objectif du projet. Cependant, d’autres images étaient dynamiques ; elles montraient des gens en action, qui manifestaient, et qui rencontraient des militants dans d’autres pays. Celles-ci, j’ai décidé, étaient les photos sur lesquelles il valait la peine de se concentrer. J’ai donc passé la seconde moitié de l’après-midi à trier les images les plus intéressantes et les moins intéressantes, afin qu’au moins nous puissions avoir des copies numériques des photos véritablement importantes d’Alternatives. J’espère que toutes les images seront numérisées un jour, mais compte tenu de notre calendrier serré, c’était le meilleur compromis.

Marcela Escribano répond à nos questions sur l’histoire d’Alternatives.

 

Apprentissages pratiques et connaissances

Le plus gros avantage que j’ai tiré de cette expérience est le lien que j’ai pu bâtir entre mon apprentissage académique et le ‘vrai monde’. En tant qu’étudiante de développement international, mon apprentissage dans les salles de cours est limité à la lecture des grandes théories politique. Il y a très peu d’apprentissage pratique. En écoutant les témoignages des ceux au cœur des débuts d’Alternatives, j’ai pu voir de première main les l’économie du développement. Par exemple, l’énorme impact du financement gouvernemental et les mesures mises en place pour assurer la survie d’un organisme.

Connaître l’histoire de la solidarité internationale au Québec et Canada est crucial pour tracer l’avenir de nos engagements à l’étranger. Non seulement faut-il nous familiariser avec les contributions des organismes comme Alternatives, mais aussi les contributions (et lacunes) de nos gouvernements.

Les entrevues se déroulaient régulièrement des les locaux d’Alternatives. Pour les documenter, nous utilisions une combinaison de deux d’enregistreuses, une caméra DSLR, et un calepin.

En tout, mon temps chez Alternatives était particulier pour moi car j’étais entourée de gens extraordinaires. En interviewant un certain nombre d’employé·es présent·es et passé·es, je ne peux pas m’empêcher de réaliser comment ils·elles ont tous tellement d’histoires fascinantes et hors du commun sur le travail qu’ils·elles ont accompli et qu’ils·elles continuent de faire. L’expérience d’interviewer de telles personnes qui ont eu tant de succès est très spéciale pour moi parce que j’ai beaucoup appris sur les relations internationales, l’organisation de communautés dans un contexte international, les relations gouvernementales et le financement du développement. Ce projet est le pont parfait entre mes études dans le programme de Public Affairs and Policy Management et les applications réelles. Je suis extrêmement reconnaissante d’en avoir fait partie.


The author would graciously like to thank Alternatives’ Communications Coordinator Myriam Cloutier, Dr. David Dean and Dr. David Walsh, Professors at Carleton University, Professor Dominique Marshall of the Department of History at Carleton University, Carleton’s Archives & Research Collections Department, and the people of Alternatives Montréal and Québec.

Thank you, Myriam, for your unrelenting support, trust, and patience with me as I completed this project. Thank you to all the people from Carleton’s history department for facilitating this practicum and the endless encouragement.

Merci Dominique de m’avoir transmis ta passion contagieuse de l’histoire et pour ton soutien continu. Finalement, merci à toute l’équipe d’Alternatives de m’avoir accueillie chaleureusement et d’avoir partagé votre histoire avec moi.